J’ai d’abord choisi cette pièce parce qu’elle me connecte à mon enfance. On y trouve quelque chose de l’ordre du jeu, de l’amusement, parfois même une gaminerie jouissive. Aussi, pour un jeune metteur en scène, s’attaquer à cette pièce est un vrai défi. Cette pièce compile tout ce que j’aime, c’est un hymne au théâtre.
J’ai eu envie de faire un théâtre qui parle à tout le monde. Je n’ai pas grandi dans un milieu bourgeois, on ne m’emmenait ni au théâtre ni au musée. J’ai eu envie de raconter « Le Songe d’une nuit d’été » à mes parents, mes deux frères… J’aime beaucoup ce texte, et j’ai voulu faire entendre la modernité des mots de Shakespeare et raconter l’essentiel de l’œuvre, sa moelle.
Les spectacles d’Olivier Py, Jean-François Sivadier ou encore Jacques Vincey m’accompagnent depuis longtemps. Ces metteurs en scène créent tous des spectacles denses, où le jeu est large, très brut, avec des images formidables. Presque comme un geste en peinture. Il y a de vrais moments de larmes, de rires, des instants de grâce. C’est après avoir vu « Le Roi Lear », dans une mise en scène de Sivadier à la Cour d’honneur, que j’ai su que je voulais faire du théâtre. J’avais quinze ans. Il n’y avait rien sur le plateau… Un drap rouge peut-être !
Dans notre Songe, on joue avec rien. Et cela correspondait aussi à notre réalité : nous avons répété le spectacle alors que nous n’étions encore qu’en troisième année à l’éstba. Nous avions envie de travailler ensemble. Après trois ans passés au sein de l’école, j’ai voulu aller encore plus loin avec ces comédiens que j’admire profondément. Car ils me fascinent ! Ils sont tellement magnifiques et si libres !
Entre nous, pas de hiérarchie, on travaille de manière collégiale, chacun amène ses idées, son univers. D’ailleurs, de nombreuses idées du Songe ne sont pas de moi, mais d’eux ! Une envie de troupe nous anime grandement, comme une sorte d’utopie théâtrale.
Il y avait une urgence : le besoin d’être ensemble, et de se fédérer.
Pendant le travail, on se dispute, on parle fort, mais on a un langage commun. Sans ces acteurs, le spectacle serait peut-être ringard. Ils comprennent où je veux les amener et transforment la matière. C’est un bel alliage entre eux et moi. Par ailleurs, nous avons beaucoup travaillé sous la forme de filages pour se perdre. L’acteur trouve en étant perdu. Tout ce que je peux faire en tant que metteur en scène, c’est donner un point de rendez-vous aux acteurs. Ce sont bien eux qui font le spectacle. Il leur revient de trouver l’instant de grâce, un moment où le temps est suspendu…
Nous souhaitions créer le spectacle dans une version qui soit le plus généreuse possible, le plus populaire, le plus poreuse avec les spectateurs. Nous avons très vite pensé au cirque. Les spectateurs sont finalement très proches des acteurs qui peuvent vraiment s’adresser à eux. On parle dans les yeux, on joue avec les gens. De plus, j’avais envie de quelque chose de tournoyant, rapide. Les trois entrées du cercle étaient importantes en ce sens : les acteurs pouvaient jouer au centre, dans les couloirs, autour… Le but du cercle est que cela ne s’arrête jamais. C’est une dynamique induite par l’espace. L’acteur est au centre et il n’y a rien d’autre que l’acteur.
C’est le style de jeu que je veux développer : un jeu qui morde, qui attrape avec la langue et les corps !