© Pierre Planchenault

Une jeune femme revient dans l’atelier de son père décédé. Sous les draps se dressent des masses informes. Et, comme l’on ouvre parfois un vieux flacon qui se souvient, autour de cette jeune femme mille souvenirs vont prendre vie, incarnés dans ces formes constituées de papier et de plâtre et que l’on dirait faites de glaise.

La manipulation des marionnettes, dans ce nouveau travail de la Compagnie Le Liquidambar, se fait à vue et tous les êtres, qu’ils soient de chair ou de papier, accompagnent dans la remémoration intime et douloureuse le personnage interprété avec justesse par Amélie Lepeytre. Les marionnettes prennent vie et, par un subtil jeu d’ombres et de lumière, leurs défauts et leurs imperfections, voulues et recherchées par Lolita Barozzi et Arnaud Louski-Pane, signifient de manière bouleversante nos propres infirmités et nos défaillances. Ces pantins désarticulés symbolisent aussi la part inconsciente de ces souvenirs dont on aimerait, parfois, qu’ils puissent se matérialiser et sortir au jour.

Ce qu’il y a de fascinant avec les marionnettes du Liquidambar, c’est qu’elles ne nous renvoient pas seulement à une part d’enfance à laquelle on les réduit bien trop souvent, faisant fi de la place essentielle qu’elles occupent aujourd’hui dans le champ dramatique. Ici les marionnettes deviennent une chambre d’écho des voix et des corps et enferment, dans leurs aspérités, cette part d’universalité inextinguible que tout homme porte en lui. Contrairement au corps périssable qui, lorsqu’il s’arrête de respirer, s’éteint et disparaît, les marionnettes du Liquidambar, lorsqu’on les repose, ne cessent pas pour autant de vivre et continuent à nous fixer dans la pénombre, comme pour nous rappeler silencieusement, délicatement, que l’absence n’est pas le vide.