Il n’y a pas que les oiseaux qui chantent

Dans ce jardin qu'on aimait

© Christophe Raynaud de Lage

La mystique échappe à toute image. Peut-être parce que, comme le voulait Claude Régy, sa réalité trop profonde et trop poétique demeure non photographiable. Osons tout de même l’évocation, à défaut de cliché (la critique est un espace balourd opposé au grand art des volatiles), et racontons aux profanes que, sur le plateau sans cage du cloître des Célestins, deux acteurs-oiseaux (espèce hybride plus rare et plus indomesticable que les furtifs de Damasio) apparaissent aux plus ascétiques contemplateurs. Vinciane Despret disait bien que les oiseaux chantent « comme peuvent le faire les animaux totalement pris par le jeu et par les simulations du faire-semblant ». L’oiseau est un acteur, et l’inverse est visiblement réciproque. Alors, pour appréhender les oisacteurs sans que l’un d’eux (« zo zo zi zo », le père) ne vous remarque et troque son chant rossignolesque pour une cornemuse tonitruante, ne relisez pas Baptiste Morizot, au risque de trouver leurs paroles-cui-cui trop anthropocentriques. Suivez plutôt ce programme légué par Christine Angot dans sa nouvelle « L’Oiseau » (extrait de « La Petite Foule », 2014) : « Vous vous y mettez, vous les imitez, vous reprenez leur chant. Flou hou, flou-hou. Vous faites une pause. Hou-ou, hou-ou. Vous faites encore une petite pause. Pour bien entendre. Vous attendez le siffleur. Vous voulez l’imiter le mieux possible. Vous écoutez. Vous faites le trille. Fluit. Fluit Fluit. Vous vous exercez. Fluit. Puis : Flouou, flou-ouhou, flou, flouhou. Wou wou ; wou wou ; wou wou. Hohu-hi, hohu-hui. Ttt, ttt, ttt. Tda tda. Fluit. Fluit. »

Vous êtes désormais prêt·e à entrer dans le jardin qu’ils aimaient. Vous n’êtes pas des grossiers merles qui pourraient rire d’eux, vous « habitez » désormais « en oiseau ».