As far as my fingertips take me

As Far As My Fingertips Take Me

Affublé d’une blouse blanche, j’enfile un casque et enfonce mon bras dans le trou d’une cloison. Je sens qu’on dessine quelque chose dessus. Une voix dans les écouteurs, celle du performeur Basel Zaraa. C’est lui de l’autre côté du mur. Il me raconte son double exil, de la Palestine à la Syrie, puis de la Syrie vers l’Europe. Le récit devient chanson rap en arabe, j’en lis la traduction. « As Far As My Fingertips Take Me », élaboré par Zaraa lui-même et Tania El Khoury, laisse des traces : le dessin sur mon bras d’une file d’êtres humains qui se heurtent à un mur. L’encre disparaîtra quelques jours plus tard, mais l’autre trace indélébile est une brèche dans mon âme qui ne se refermera pas, celle par laquelle j’ai tendu la main à cet artiste. La superposition des formes (musique, récit, poésie, image, sensation sur la peau) vient réparer quelque chose en moi, comme si le flux dispersé d’informations qui nous empêche d’appréhender la question des réfugiés dans son ensemble était rassemblé. La simplicité du lien qui se crée alors permet une empathie rare et bouleversante.