Derrière le sarcastique sobriquet de Jehan Rictus se cache le poète Gabriel Randon, moderne Villon qui emprunte au « bon fol-astre » sa verve inventive et acide. La figure du « povre » est un masque, mais pas n’importe lequel : celui qui, démuni de tout, tire sur le fil sémantique de la tapisserie du réel pour en retirer quelque loque substantielle. Tour à tour, le « povre » déroule en son gosier christique les noms de ceux qui l’accablent, qui le nient, ou dont il se prend à rêver. Il est l’ultime transfiguration anthropomorphique du poème lui-même, impeccablement servi par Pierre-Yves Le Louarn, sobre et juste. Michel Bruzat, comme toujours, met son esthétique au service du texte en faisant usage d’une très grande économie de moyens, fondée sur une orchestration a minima de jeux de lumière et une partition musicale au cordeau. Le souffle de l’accordéon (Sébastien Debard) enrobe les pérégrinations verbales d’un baume mélancolique, rythmant le bouffon et le grave avec finesse.
Les Soliloques du pauvre
Les Soliloques du pauvre