DR

Dans le flot irrépressible et salutaire de libération de la parole des femmes, certaines choisissent le témoignage brut, le réalisme documentaire ou l’historicisation politique des violences sexistes. D’autres, comme Celine Chariot, s’insèrent dans une veine conceptuelle et esthétisante, qui concède à l’image ce qu’elle refuse à la parole directe, une fois que le sujet du « Je vais vous parler de viol » est énoncé de la façon la plus simple et explicite qui soit. La voix off qui commente le dispositif n’est d’ailleurs pas celle de la comédienne, et ne décrira rien d’autre que les quelques indices émergeant d’une mémoire brisée. Dès lors, l’objet de la représentation devient la reconstitution clinique mais avortée, dans une plastique de police scientifique, de la scène du drame que l’on ne fait qu’imaginer, autour d’un matelas posé au centre du plateau. L’intelligence du projet de Celine Chariot est de faire percuter la profusion des signes réalistes – preuves tangibles d’un espace-temps englouti par l’amnésie – avec un langage poétique du détournement. Alors le spectacle déroule une violence en creux, celle de coquilles d’huîtres éclatées à la masse, de notes désaccordées du morceau « Desafinado », et surtout l’attente d’une catharsis qui, bien qu’elle n’arrive jamais vraiment, germe sous les planches du théâtre.