© Khoa Lê

Comment disparaître sur scène ? Comment se soustraire à la pression de la revendication de soi ? Félix-Antoine Boutin propose une réflexion philosophique sous forme d’un petit guide poétique à suivre étape par étape pour quitter l’individualisme suffocant et rejoindre la pensée collective. Des phrases courtes, des souvenirs furtifs, une voix timide et des petits pas feutrés sur le tapis. C’est un petit garçon un peu mal à l’aise et rêveur qui se livre à nous, semant des petits galets noirs sur le plateau comme autant de deuils qu’il lui faut faire pour enfin quitter l’enfance. Car si le texte du jeune auteur se veut métaphysique et universel, il est avant tout extrêmement personnel et révélateur d’une jeunesse qui, faute de pouvoir se projeter dans un avenir radieux, peine à quitter l’innocence. Le monde se peuple alors de fantômes et le chemin vers l’émancipation est parsemé des cendres de ce qu’on a du abandonner. L’introspection littéraire du jeune homme, d’abord statique, se fond peu à peu dans une série d’installations scéniques qui font entrer le spectateur dans une torpeur cauchemardesque. L’ambiance sonore et les manipulations à vue détournent notre attention du texte, creusant un fossé étrange entre la poésie, désormais déclamée dans les hauts-parleurs, et la création visuelle. Tant est si bien qu’on finit par se poser la question de la nécessité de porter ce texte sur scène. Désincarnée, presque repoussée, l’émotion ne peut faire son nid. Restent quelques jolies images et un sentiment mêlé de froideur et de noirceur.