Un trop grand spectacle

Le Wild West Show de Gabriel Dumont

© Jonathan Lorange

Alors que le Canada tente péniblement de se réconcilier avec les ombres de son passé et cherche à construire une identité à la fois multiple et solidaire, le théâtre se veut vecteur d’histoire. Pour raconter la rébellion des métis dans le Canada fraîchement colonisé de 1885, Jean Marc Dalpé, Alexis Martin et Yvette Nolan se sont entourés d’auteurs et comédiens issus des différents peuples impliqués.

Sur scène on parle le français, l’anglais mais aussi le mitchif, le cri et l’algonquin pour conter les aventures de Gabriel Dumont, commandant métis ayant rejoint Louis Riel, figure de la résistance du peuple métis et fondateur de la province du Manitoba, qui finira pendu sur ordre du Premier ministre John A. McDonald. Gabriel Dumont s’exilera ensuite aux États-Unis et rejoindra la troupe de Buffalo Bill. Le« Wild West Show » de Gabriel Dumonta pour ambition de faire renaître ce pan essentiel de la construction du pays sous la forme d’un spectacle de grand divertissement à la portée de tous les publics. L’intention est louable, mais le résultat donne plus l’impression d’un bon gros délire entre potes que d’un monument hommage et didactique.

C’est un grand déballage d’artifices que nous propose Mani Soleymanlou, qui nous avait habitués à plus subtil dans ses précédentes mises en scène chorales. Musique live, éclairages de fête, costumes et accessoires sont les stars de ce show tentaculaire aux allures de cirque où les chapitres historiques s’enchaînent à toute vitesse, laissant le spectateur sur le bord de la route, incapable de suivre une narration hystérique et digressive au possible. Les comédiens prennent en charge les différents personnages et figurants qui croiseront la route de Gabriel Dumont avec un talent, il faut le dire, très inégal. L’un après l’autre, ils profitent de leur moment de gloire à l’occasion de tours de magie, de numéros chantés et dansés. Le « show » à l’américaine est assumé, mais les cheap tricksne peuvent camoufler bien longtemps la faiblesse dramaturgique de cette création. Les gesticulations et manipulations sont autant de fioritures qui nous tiennent éloignés du propos, et le comique de répétition aura finalement raison de nous. Les trouvailles sont essorées jusqu’à la dernière goutte et noyées sous une foule d’idées peu nécessaires. Le tout manque certainement d’un peu de respiration et de simplicité pour qu’on y comprenne quelque chose. C’est dommage.