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À observer les jeunes fans rué.e.s au nez de scène pour acclamer l’ultime chanson (« Rêver j’en ai l’habitude », bouquet semblable au « Tant qu’on rêve encore » du “Roi Soleil“), il faut croire que la comédie musicale made in France 90’s-2000’ n’a rien perdu de sa force d’attraction.

Dove Attia, enchanteur décrété du genre, n’a pourtant pas renouvelé son langage. Du “Mozart opéra rock“ (du même Attia) à cet autobaptisé opéra urbain, seul change le héros français sur l’affiche. La scénographie de “Molière“ sur-précise comme d’habitude la symbolique peu obscure des rengaines : l’amoureux transi se débat dans une prison de néons, les châssis bruts de saltimbanques se couvrent d’or comme le navire volant de Peter Pan, tandis qu’un grand tunnel de lumière blanche vient sonner la mort du grand M (ici sans perruque frisée). Les séquences sont bien plus abouties lorsqu’on les sent travaillées comme des clips autonomes que lorsqu’Attia et Chollat (metteur en scène) cherchent à instituer entre elles une continuité dramatique : l’image trop chargée, au baroque de convention, l’emporte sur l’inertie du mimétisme. Rattrapé par une seconde partie plus généreuse en mélodies frappantes, le spectacle s’offre alors quelques dispositifs et pas seulement des images popcornées. Par exemple une vanité efficace lorsque Molière (le tiktokeur PETiTOM) prend un bain de foule acrobatique et que les spectateur.rice.s smartphoné.e.s, relais flagrant.e.s des paparazzis fictionnels, sont renvoyé.e.s par les paroles (« Tu finiras par tomber, tomber, tomber) à une finitude calfeutrée par le show. 

À défaut d’une correction moliéresque des mœurs par le rire, le show d’Attia mise davantage sur un enseignement par l’émerveillement. Il faut en effet reconnaître une réelle qualité dramaturgique à ce “Molière opéra urbain“ : celle de parvenir à retracer – à la hache certes mais en faisant percer tout de même certaines aspérités biographiques – le parcours du « génie. » L’horizon encomiastique du spectacle l’empêche d’ailleurs de concrétiser sa velléité critique, celle qui affleure dans la seconde partie, saupoudrée d’anachronismes féministes. Ces ouvertures sont de bon aloi mais elles ne détressent aucun laurier : timidement désigné, le rapport souvent douteux de Molière avec les femmes (et comédiennes) est constamment réhabilité par des pirouettes narratives. Par ailleurs, tous.tes les contre Sainte-Beuve ne seront pas en joie. Car ici, vie et œuvre sont sans cesse mêlées, pas forcément pour le pire (l’obsession de Molière pour l’écriture de « Tartuffe » livre un fil assez fort), mais souvent pour les bienfaits du discours : l’œuvre explique sans cesse la vie, et même parfois la rachète (cf “L’école des femmes“). Malgré sa politique bien lâche, “Molière opéra urbain“ n’en demeure pas moins un pur divertissement populaire, pas si moche, pas si bête, dignement récréatif.