Bolaño, à demi

2666

2666 © Arnold Jerocki/Divergence

2666 © Arnold Jerocki/Divergence

Certaines œuvres littéraires, quand elles sont aussi tentaculaires que « 2666 », représentent un défi plus grand que d’autres. C’est cependant celui-là que Julien Gosselin et sa troupe se sont chargés de relever, avec sincérité et enthousiasme, mais avec plus ou moins de réussite.

Car ce qui fait du roman de Roberto Bolaño une œuvre vertigineuse, au-delà de sa longueur ou de sa construction fragmentaire et éclatée, c’est sa profondeur poétique et politique – la même qui anime toute l’œuvre du Chilien –, qui lui fait dépasser le statut de simple polar bien écrit pour atteindre celui de véritable chef-d’œuvre littéraire. Et c’est justement cette profondeur-là qui nous échappe dans ce spectacle, puisque le jeune metteur en scène donne l’impression de n’avoir retenu de l’œuvre que son intrigue, et de l’avoir choisie avant tout pour ses possibilités narratives, plus que pour la force de son message.

Ainsi se déploie devant nous, pendant les douze heures que dure le marathon, une avalanche d’effets sonores et visuels qui, s’ils s’avèrent indéniablement réussis (bien que souvent pesants), paraissent trop souvent être une distraction et nous empêchent de recevoir pleinement la parole de l’auteur chilien, dont le cri se retrouve alors noyé dans le divertissement– au plus grand regret de ses lecteurs, qui auraient aimé qu’il soit entendu au-delà de leur petite communauté…

Mais ne nous méprenons pas : ce « 2666 » n’est pas pour autant un échec. Et si on peut regretter le manque de profondeur de l’adaptation, une mise en scène trop systématisée ou une direction d’acteur parfois trop frontale, il serait malhonnête d’en ignorer l’efficacité scénique et le plaisir que celle-ci peut procurer.