Du théâtre en 16/9 ?

Intermission

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Qu’est-ce que la scène et le corps peuvent montrer, évoquer, suggérer, de l’image vidéo ? En rapprochant l’art cinétique du spectacle vivant, Véronique Hubert et K. Goldstein se lancent une gageure extrême. « Intermission » tente d’opérer un dialogue entre langage cinématographique (image, son, montage) et sémantique théâtrale. Cependant, l’essai ne semble pas dépasser le stade de l’expérimentation, certes intéressant, mais incomplet et décousu.

La pièce se présente comme une succession de moments mettant en jeu ce rapport entre les possibilités de l’espace scénique et du corps dansant ainsi que l’imaginaire et le langage du monde de l’image mouvante (cinéma, télévision). Les corps des deux danseurs se meuvent soit en fonction de schèmes précis – comme celui de la répétition ou du miroir –, soit selon plusieurs scènes explorant de diverses manières la problématique de départ. En fonction de la lumière, du son et de différents accessoires projetés sur scène, Véronique et K. déclinent avec entrain les questionnements qui découlent de cette alliance entre spectacle vivant et art cinétique. Depuis le générique de la « 20th Century Fox » jusqu’à la scène hallucinée d’une reproduction d’un film de catastrophe – seulement évoquée par un enregistrement audio –, les possibilités d’accord entre les deux formes d’art sont exploitées au maximum.

Pourtant, et malgré une belle énergie, « Intermission » possède de l’essai les avantages comme les inconvénients. Le chaos règne en maître sur la scène, imposant un rythme inégal. Il faut souvent s’accrocher pour réussir à suivre le duo exubérant. La démarche est parfois trop intellectuelle, parfois trop superficielle ou artificielle. Cependant, quelques moments poétiques émergent à intervalles réguliers et régalent les sens et l’intellect du spectateur. La pièce gagne ainsi progressivement en profondeur et quitte son côté « foutraque » pour balbutier un début de réponse à l’interrogation originelle des deux artistes.

Il y a de quoi rester sur sa faim, mais la démarche de la compagnie Keatbeck a pour mérite de tenter une expérience peu anodine et louable.