C’est au sous-sol du Théâtre de Poche-Montparnasse que commence le voyage dans les méandres de la folie d’un homme. Celle d’un médecin doué mais exilé « aux Indes » pour cause de passion dévorante.
Après avoir enduré cinq ans d’attente, dans la moiteur et la fièvre d’une campagne exotique, le voilà à nouveau confronté à une « blanche » qui ranime en lui le mal spécial qui le ronge. Depuis la cabine d’un bateau en partance pour l’Europe où il s’est réfugié, l’homme fait allègrement voler en éclats le quatrième mur pour « raconter » son histoire à ceux qui « ont le devoir » de l’écouter.
Le choix de la mise en scène (Caroline Darnay), dans le cadre particulier du Théâtre de Poche invite assez naturellement l’acteur à emprunter le ton d’un narrateur-conteur. Le texte même mélange récit et fabulations fiévreuses, dues à la folie de l’« amok » – sorte de berserk de Malaisie. Alexis Moncorgé incarne cet « amok » européen, à la fois médecin ayant le sens du devoir et travaillé malgré lui par une forme de démence, le forçant à vivre à l’écart d’autrui. L’acteur propose une interprétation très vivante du texte de Zweig. Il nous emporte avec beaucoup de conviction dans l’histoire de sa propre déchéance, même si l’on pourra déplorer à certains moments quelques redondances ou facilités de jeu.
La performance soliste de près d’une heure et demie est riche d’idées et tente d’exploiter au mieux la petite scène du théâtre. Quoiqu’étant initialement confiné dans la cabine de voyage du médecin, le spectateur voyage à travers le globe et jusque dans les recoins de l’esprit fiévreux du personnage, dans une économie de moyens appréciable – en terme de décors, son et lumière. À titre personnel, il aurait été plaisant que ce pouvoir de suggestion soit davantage creusé, même si le texte tend à être très descriptif et laisse peu de marge de manœuvre.
Pour une première création, Chayle et Compagnie réalise ici un joli travail qui mérite le détour et qui laisse espérer le meilleur pour la suite.