Adèle Zouane est de ces actrices qui irradient et partagent avec force et simplicité leur présence joyeuse. Elle envahit l’espace nu du plateau de la Manufacture avec un seul en scène, « À mes Amours », dont elle est l’auteur et le sujet unique. Se servir de soi pour toucher à l’universel est souvent un projet dangereux surtout quand le thème du récit autobiographique est tout aussi tarte à la crème que le procédé. En équilibriste sensible, l’actrice évite ici le trou béant du mélo sucré et s’offre avec légèreté et espièglerie. De la petite fille de huit ans à celle, présente sur scène, de vingt-cinq ans, une constante se dessine : une obsession pour l’amour et la vie. Lettre enflammée, déceptions, découverte du désir et recherche permanente de son futur mari et père de ses enfants sont les uniques moteurs de cette femme qui se construit grâce au regard des garçons qu’elle croise. La mise en scène faussement simpliste crée avec rien tout un monde où le public s’amuse à voir grandir la petite Adèle, devenant le confident des espoirs brisés et des épanchements de son cœur qui apprend à petit pas, cahin-caha, à battre. Une maison bleue et des jumeaux, voilà sa définition du bonheur : dans une vidéo d’archive de l’actrice/auteur/personnage/fille de quatorze ans, elle se confie avec une désarmante foi dans l’avenir sur son futur sentimental. Ce n’est donc pas une énième fable sur les déboires sentimentaux d’une trentenaire en quête de l’homme idéal dans un monde de merde mais un condensé de vie d’une jeune fille normale, sans histoire tragique ou extraordinaire mais avec une sincérité qui déclenche souvent le rire. Un rire franc dénué de cynisme qui panse les plaies sentimentales de l’enfance en les transformant en patrimoine commun.