Hamlet, joué et filmé dans un kebab d’Aubervilliers par des acteurs amateurs de la ville, puis retransmis en direct dans un cinéma parisien. Bon. “Jusqu’ici, tout va bien”. Tout va bien parce qu’on s’y retrouve à peu près. Le roi est mort, son frère est un enfoiré, Ophélie est superbe, Hamlet lutte, blablabla… “20 et 10 qui font 30… Le compte est bon, merci ma brave dame !”
Alors, il est où le problème ? Comme toujours, Rodrigo Garcia explore, fouille, transperce, hurle et casse tout, au risque parfois de l’inaboutissement. Mais c’est ici, à cette intersection même entre la recherche et l’accomplissement, l’âge adulte et l’adolescence, qu’il est à son meilleur. Le problème n’est donc pas là, non. Le souci tient plutôt dans l’immense brouillon mental que créée cette performance dans la mesure où elle constitue une réponse du metteur en scène à la volonté du théâtre de la Commune de réfléchir à l’exclusion culturelle des quartiers. Face au constat, Marie-Josée Malis le dit : “On prend tout et on recommence, en désordre : Hamlet, le Kebab, les non-spectateurs d’ici, et à Paris”.
Question, donc : cette performance permet-elle autre chose que l’illustration du fossé dans lequel sont tombées nos banlieues ? Autant le dire tout de suite, non. Malgré l’intérêt du geste artistique, il ne subsiste rien du projet politique. Tranquillement installé dans son fauteuil de cinéma, le Parisien rentre chez lui, amusé d’avoir vu des gens de banlieue jouer Hamlet avec un accent maghrébin. Reste évidemment que ces gens-là, pour certains formidables acteurs (magnétique Ophélie), auront eu la chance de côtoyer un immense artiste et un grand texte. C’est déjà bien, oui, mais Marie-Josée Malis est bien trop intelligente, engagée et inventive pour s’en contenter.