Les arts plastiques flirtent avec les algorithmes

William Forsythe x Ryoji Ikeda

(c) Wonge Bergmann

La double installation présentée sous la Grande Halle de la Villette dans le cadre de ce Festival d’automne réunit « Test pattern [no 13] », de Ryoji Ikeda, issu d’une série entamée en 2008, et « Nowhere and Everywhere at the Same Time no 2 », de William Forsythe, créé en 2013. Si c’est la deuxième fois que les artistes se retrouvent exposés dans le même cadre (après la Ruhrtriennale 2013), c’est en revanche la première fois que leurs œuvres sont juxtaposées. C’est Ryoji Ikeda, pourtant moins connu en France, qui est à l’origine du projet et a invité William Forsythe à exposer avec lui, point d’orgue d’une amitié et d’une collaboration artistique qui durent depuis plus d’une décennie.

Si les deux œuvres sont installées l’une face à l’autre, ce n’est probablement pas uniquement par les hasards de l’architecture du lieu mais bien parce qu’il existe un dialogue entre elles. Là où l’installation de Forsythe est blanche et d’une épure presque monacale, celle d’Ikeda est plongée dans le noir et saturée d’éléments visuels et sonores. Ces deux installations sont pourtant proches, explorant l’une comme l’autre la nuance entre le visible et l’invisible, Ikeda travaillant la lumière (« It touches you but you cannot touch it », dit William Forsythe en évoquant la lumière dans « Test pattern [no 13] ») tandis que Forsythe s’attache à l’espace entre les pendules plus qu’aux pendules eux-mêmes.

« Test pattern [no 13] » et « Nowhere and Everywhere at the Same Time no 2 » offrent deux possibilités aux visiteurs : ils peuvent entrer dans l’installation, ou rester en dehors et observer. Le public qui choisit de pénétrer dans les œuvres devient partie prenante de l’installation, qui se rapproche alors de la performance (Forsythe ayant d’ailleurs conçu son installation comme une performance mécanique avec un danseur/cinéaste/astrophysicien avant de l’automatiser).

On relève chez William Forsythe comme chez Ryoji Ikeda une parenté avec la grande chorégraphe américaine Lucinda Childs dans leur obsession pour les mathématiques. Dans ces installations programmatiques qui répondent à un code que ne maîtrise pas le public, ce dernier est alors contraint de compléter l’œuvre. Ikeda refusant d’apposer le moindre message sur son travail, c’est aux visiteurs d’y trouver ce qu’ils veulent y voir. Visuellement radical, le labyrinthe orchestré par les deux artistes demande aux visiteurs de s’adapter physiquement à l’œuvre avant de la faire leur. On en sort éprouvé mais hypnotisé.