Grant Morrison est, avec Alan Moore, l’un des prophètes de la pop culture britannique. Scénariste de comics depuis une trentaine d’années, il est l’auteur de quelques-uns des plus grands chefs d’œuvres du genre comme la série “The Invisibles” (1994-2000). Qui de mieux placé pour écrire une somme analytique sur les super-héros ?

Les éditions Fantask, en co-édition avec Dargaud, ont eu la bonne idée de traduire “Supergods”, paru originellement en 2011 chez Spiegel & Grau. Le résultat : un énorme pavé, parfois un peu indigeste, mais indispensable au fan des héros DC Comics ou Marvel. Morrison utilise ses propres expériences de scénariste, ainsi que des souvenirs plus personnels (il y parle notamment sans autocensure de drogues ou de maladie), pour dresser un panorama assez exhaustif de l’évolution de la BD anglo-saxonne depuis les années 50. On y retrouve les figures incontournables Jack Kirby, Stan Lee ou Franck Miller. Et surtout une description fine et drôle – parfois emphatique – des enjeux économiques, culturels ou artistiques liés à l’univers des comics. Avec Moore, Morrison a été l’un des créateurs les plus avant-gardistes en matière d’introduction de thèmes spiritualo-métaphysiques dans la BD moderne. Son statut d’auteur superstar à partir du début des années 90 l’a autorisé à beaucoup plus de liberté de ton que la plupart de ses congénères, créant des personnages et des histoires hors-normes, à l’instar de “Flex Mentallo” (un index alphabétique, à la fin de l’ouvrage, servira de repère utile pour se retrouver dans la jungle des noms de personnages.) Et laissons la conclusion à Morrison lui-même : “Les histoires de super-héros sont méprisées, car souvent vues comme l’un des niveaux les plus bas de notre culture. Mais tel un éclat d’hologramme, elles contiennent en miniature tous les rêves et toutes les peurs des générations qui les racontent.”