Comme il l’avait fait autrefois avec « L’Enfant d’éléphant », le bien regretté Richard Demarcy a signé ici l’adaptation théâtrale de « La Première Lettre« , une des « Histoires comme ça« de Rudyard Kipling. Malgré le décès de l’auteur metteur en scène pendant les répétitions, sa troupe du Naïf Théâtre associée au Collectif Pansdarts a su préserver son savoir-faire poétique et humaniste et raconte cette « Naissance de l’écriture » de façon tout à fait réjouissante et bariolée.
Dans un temps préhistorique imaginaire, une jeune fille et son père partent à la pêche. Leur lance se brise, il faut donc aller chercher à la maison de quoi la remplacer et comme il est trop tard pour reprendre la route, c’est aux étrangers de passage qu’on demande de transmettre le message. Mais l’information ne passe pas et la confusion appelle la violence. Il faudra alors à la jeune fille toute son astuce pour trouver le moyen de dissiper les malentendus.
Ce n’est pas une forme didactique qui nous est présentée, un exposé qui expliquerait pas à pas les avancées technologiques qui ont mené l’Humanité à l’invention de l’écrit, pourtant il s’agit bien de transmission et de pédagogie. Cette charmante fable interroge notre rapport à l’ingéniosité d’abord, cette capacité à faire preuve d’imagination, à laisser en nous la place pour qu’une solution puisse apparaître quand un problème se pose à nous, mais elle met en valeur surtout la nécessité de se comprendre les uns les autres au-delà de l’inconnu. Comment faire passer des informations à travers l’espace et le temps ? Pour cela le moyen le plus direct n’est pas forcément le bon. Ce que nous dit ce beau spectacle c’est que la poésie transmet bien plus qu’un simple message et que le conte, avec les étapes formelles qui le constituent, s’adresse à l’entièreté de notre être, une part enfouie et éternelle de notre écoute. Les contes sont des passe-frontières, au-delà des cultures, au-delà des raisonnements, au-delà du temps.