Ce qui relie les filles

Bnett Wasla

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C’est il y a un an dans la nouvelle Cité de la culture de Tunis que le passage de relais a eu lieu. Ce n’est pas la première fois que le duo de chorégraphes Héla Fattoumi et Éric Lamoureux se consacre aux recréations de leurs travaux de jeunesse, et il est toujours émouvant de recevoir en tant que spectateur ces œuvres du passé soudain réanimées par du sang neuf. L’idée de recréer le solo de Héla Fattoumi, « Wasla » (« ce qui relie »), présenté en 1998 à la Biennale de la danse de Lyon et qu’elle a elle-même dansé pendant des années, s’inscrit dans cette volonté de transmission d’une grammaire chorégraphique, un héritage du geste sensible généreusement redistribué. Cette pièce emblématique se voit alors transformée en quatuor avec des danseuses du jeune Ballet national tunisien et devient« Bnett Wasla » (« ce qui relie les filles »). Cet hymne à ce qui se love se charge alors d’un sens particulier. Les alcôves, témoins des premiers pas de la création il y a vingt ans, sont toujours sur le plateau, enrobantes, rassurantes comme un cocon d’où il va s’agir de s’extirper. Mais rien de brusque dans les gestes, l’heure est à regarder ces corps de femmes onduler, longer les creux pour s’approprier l’espace, prendre conscience de leur environnement et glisser peu à peu du soliloque au collectif. Du plein au délié, ce n’est pas une démultiplication du même qui s’opère mais quatre entités distinctes qui ensemble prennent possession de leur espace et de leur identité. En dévoilant cette féminité douce et assumée, elles longent à loisir les recoins et semblent redécouvrir la sensualité des corps et des âmes. Un retour aux sources géographiques qui rimait joliment ce soir-là à Tunis avec une transmission presque maternelle, une porte ouverte à cette génération de danseuses qui se doit d’émerger. Ce sera à Vitry que le public français pourra à son tour s’inscrire dans cette chaîne chorégraphique qui traverse avec humanité les continents et les décennies.