(c) Jean-Louis Fernandez

Louis a bientôt quarante ans. Louis va bientôt mourir. Alors, avant de partir, il s’offre un dernier tour de piste, aux côtés de sa famille choisie et de sa famille imposée. Les amis, les amants, les parents, les déjà morts et les toujours vivants sont réunis sur le plateau, quatre heures durant, pour célébrer les liens qui nous unissent, nous humains, les uns aux autres, pour raconter, encore, un peu, avant qu’il ne soit trop tard.

Ce pays lointain, ultime pièce de Jean-Luc Lagarce terminée quelques jours avant sa propre disparition, et qui reprend et développe la trame de “Juste la fin du monde”, c’est à la fois la petite ville dont Louis est originaire et qu’il a fui dès qu’il a pu, et cette vie si remplie qui s’éloigne inexorablement. Ici il n’y a pas de frontière entre les vivants et les morts, et quoi de plus juste puisqu’après tout la mort n’est qu’un détail, les disparus continuant de vivre en nous.

C’est avec une grande élégance, qui n’est pas sans rappeler Patrice Chéreau ou Christophe Honoré (dont les récentes “Idoles” mettait en scène, d’ailleurs, Lagarce comme personnage) que Clément Hervieu-Léger monte “Le Pays lointain”. L’écriture de Jean-Luc Lagarce, toute en circonvolutions, en retours, en ratures, pour moduler, préciser ou effacer, cette écriture si dure à amener au plateau car on peut la croire, à tort ô combien, antinaturelle, est admirablement servie par la distribution. Ici on redécouvre avec bonheur et émotion que la langue de Lagarce est la vie-même, avec ses accidents et ses moments de grâce, un hymne élégiaque à ceux qui la peuplent, à eux, à nous.