Swiss Dance Days : aujourd’hui, la Suisse

Alors que I/O Gazette s’apprête à investir le territoire suisse pour développer une édition locale, nous continuerons bien entendu dans ces pages françaises à vous tenir informés du foisonnement de ce qui se passe chez nos voisins, et alors que nous revenons tout juste de quelques jours vécus entre Lausanne et Genève, voici qu’il nous semble important de parler une fois encore des Swiss Dance Days.

Comme pour venir confirmer notre tropisme pour la région, ce marché international, organisé tous les deux ans afin de présenter la scène chorégraphique suisse majoritairement aux professionnels mais également ouvert au public, programmait cette année une quinzaine de pièces sélectionnées parmi 150 propositions. Se sont ainsi succédé quatre jours durant à Lausanne sur les plateaux de six salles différentes certains des artistes représentants de ce que la création suisse peut faire de plus intéressant, mais aussi parfois de plus déroutant pour le public étranger.

Des spectacles déroutants, alors même qu’ils ne sont pas particulièrement représentatifs de la scène avant-gardiste suisse ou de la toute jeune création, et c’est aussi l’intérêt de la manifestation. Pendant ces quelques jours, l’opportunité nous est donnée d’assister aux représentations de chorégraphes et danseurs largement reconnus par la scène nationale, mais dont les œuvres circulent relativement peu en dehors. L’occasion donc de constater que même dans sa création notoire et institutionnelle, la Suisse comporte de véritables spécificités, et ce, malgré toute l’esthétique et la pensée que nous estimons avoir en partage avec ce pays qui nous est si proche.

Marco Berrettini, qui présentait par exemple « My Soul is my Visa », fait partie de ces artistes allemands très intégrés dans le circuit de production helvète, mais dont la notoriété reste relativement confidentielle en France. Une confidentialité que nous pourrions déplorer tant le travail de l’artiste danseur et chorégraphe s’avère complexe et différent de ce que nous avons l’habitude de voir. Une heure durant, six interprètes se déhanchent dans une atmosphère légèrement absurde et d’une profonde légèreté sur des rythmes aussi différents que les « Gymnopédies » d’Erik Satie ou le « Wild is the Wind » de Nina Simone. Une façon de faire inhabituelle tant la danse contemporaine est prise et faite avec sérieux en France, sans recul et au premier degré. Avec Marco Berrettini, la danse est envisagée pour ce qu’elle est aussi : un langage du corps qui nous fait sortir des affres de l’esprit tout en l’impactant, et c’est une belle chose que de le voir.

Au fil de la programmation se détachent aussi d’autres propositions, plus fraîches et qui participent plus clairement à la jeunesse de la scène suisse. Parmi elles, le spectacle de Mathias Ringgenberg, qui se présente sous le nom de Price pour sa performance « Where Do You Wanna Go Today ». Une imparfaite tentative de performance dansée sur fond de discours psychoromantique, qui permet tout de même de nous confronter à la réalité d’un médium et à la volonté de la Suisse de soutenir et financer les désirs d’artistes émergents qui s’essayent jusqu’à assurément parvenir à devenir un jour la production de demain. À l’image de ceux-là, certains, dont Yasmine Hugonnet, participaient il y a peu encore à cette belle émergence. Aujourd’hui, l’artiste était aussi présente aux Swiss Dance Days, comme visage identifié d’une création affirmée cette fois. Et c’est aussi ce qui fait la beauté de l’événement : suivre et accompagner l’artiste au fil du développement de sa pratique et de sa pensée.