©Pierre Planchenault

Les costumes et accessoires de « Peter Pan » doivent tenir dans une boîte, une toute petite boîte qui ressemble, on se plaît à le croire, à la valisette qu’emporte Wendy au Pays de Jamais-Jamais. À dire vrai, on imagine volontiers que Julie Teuf, qui a fait ses classes à l’Estba (École supérieure de Théâtre Bordeaux Aquitaine) et que nous retrouvions il y a peu de temps encore sur les planches, a conservé cette petite boîte depuis l’enfance dans un coin de sa tête en espérant pouvoir nous offrir un jour les précieux trésors qu’elle contient. Au-delà du plaisir, devenu rare ces derniers temps, de pouvoir assister à une représentation théâtrale en compagnie d’un public, il en est un autre, lointain et mélancolique celui-là, que nous avons éprouvé en regardant ces merveilleuses aventures de Peter Pan et des Enfants perdus. La mise en scène de Julie Teuf, telle une douce et délicieuse madeleine proustienne, vient réveiller le vague souvenir des aventures du Peter Pan de James Matthew Barrie que nous avons tous précieusement conservé derrière les portes de ce vieux buffet de notre mémoire, tout empli d’un fouillis de vieilles vieilleries, entre les cassettes de Disney et les livres de la collection Vermeille. La petite troupe de jeunes comédiens, avec énergie et mille inventions, nous emmène au Pays de Jamais-Jamais et on les suit bien volontiers.

La petite forme de Julie Teuf, destinée à partir sur les routes à la rencontre des petits et grands, concentre tous les éléments d’une pensée – n’ayons pas peur des mots – universelle. Si les cris des enfants accompagnent le jaillissement d’une fée clochette interprétée par la pétillante et prometteuse Zoé Briau dont la harpe, qu’elle parcourt de ses doigts (de fée), fait entendre un langage magique que tous les cœurs comprennent, les tristes adultes que nous sommes devenus retrouvent l’espace d’un instant leur âme d’enfant, celle qui s’épouvante dans la nuit noire et inquiétante, celle qui est capable de voir virevolter autour d’elle fées et chérubins, celle enfin qui a su bâtir entre elle et le monde un rempart de rêverie pour échapper à la douleur de la disparition et à la peur de la mort.

Les personnages défilent et les comédiens à l’énergie débordante incarnent avec envie et précision les héros d’une histoire que Julie Teuf a rêvée. Malgré la rapidité du drame, Clémence Boucon (Wendy) et Félix Lefebvre (Peter Pan), tantôt espiègles, tantôt graves, parviennent à donner à leur personnage une véritable épaisseur, tandis que Léo Namur, l’ombre facétieuse de Peter Pan, se transforme (et on aimerait, si la décence le permet, que le changement se fasse à vue ; imaginez un peu : l’ombre de Peter Pan, double du maléfique opposant !) en un capitaine Crochet qui découvre son humanité en révélant à Peter Pan la sienne.

Mais ne tentons pas d’intellectualiser ce qui a le mérite de n’être qu’un merveilleux petit rêve en une époque où l’on chasse les comédiens de la cité. Le monde de Julie Teuf est un théâtre qui tient dans une boîte. Il ne nous reste plus qu’à lui souhaiter de pouvoir l’ouvrir à nouveau bientôt.