Illusions

Songes et métamorphoses

Songes et Métamorphoses

« Le théâtre est un grand oui », entend-on déclamer dans la première partie de « Songes et métamorphoses », la dernière création de Guillaume Vincent. Et si l’on rit alors de l’humour et de la grandiloquence de l’affirmation, le spectacle nous fait rapidement remarquer que, finalement, cela n’est pas si faux.

Quand Guillaume Vincent s’est attelé à son travail sur « Le Songe d’une nuit d’été », il ne se doutait peut-être pas qu’il accoucherait dans la foulée d’un texte de sa propre composition. Et peut-être pas non plus que les échos de l’un feraient si clairement résonner l’autre que si on les mettait bout à bout, un troisième spectacle naîtrait encore. Et c’est pourtant dans cet enchâssement, celui de l’original « Hôtel Métamorphoses » et du « Songe » shakespearien, qu’est apparu un objet audacieux, dont la Comédie de Reims abritait la création au mois d’octobre dernier.

Des spectacles dans un spectacle, une pièce née d’une pièce qui en contient elle-même plusieurs, un songe qui se transforme en réflexion sur les notions qui en sont la nature même : voilà comment on pourrait essayer de résumer « Songes et métamorphoses », mais on se rend bien vite compte que l’exercice est périlleux. Car c’est bien de l’impossibilité de résumer les interrogations sur notre besoin d’illusion qu’est né ce travail. Comment peut-on encore s’émerveiller de la fable ? En quoi nous sert-elle encore de miroir sur nous-mêmes, et où se trouvent les limites entre elle et notre réalité ? Comment faire pour, encore, refouler joyeusement notre incrédulité pendant quelques instants afin de réussir, peut-être, à nous laisser percer par une prétendue magie que notre époque semble en permanence vouloir étouffer ?

Ces questions, qui hantent notre théâtre contemporain et auxquelles il ne donne pourtant jamais de réponse, sont trop souvent la seule chose qui nous reste à la sortie des salles. Mais ce qui fait la réussite de ce « Songes et métamorphoses », c’est qu’en plus de son succès à les illustrer à travers la complexité de son écriture et la grande cohérence de sa forme, on y prend à bras-le-corps la joie, l’amour, la tristesse ou la colère, et on nous permet alors d’y expérimenter ensemble, à travers ce long, ambitieux et généreux geste artistique, l’étrangeté jouissive du théâtre, qui est aussi celle d’être amoureux : cette douce sensation de bêtise, de se laisser volontairement emporter par ce qui est peut-être une illusion, qui nous laisse toujours un peu fragiles et hagards, mais nous fait nous sentir pleins.