Aux côtés de notre bien aimé Hölderlin, Novalis (1772 – 1801) est une des figures éminemment attirantes du premier romantisme allemand. Son oeuvre ne supporte pas les cases, rien ne sert d’essayer de distinguer la littérature de l’essai philosophique, le roman, le conte, la prose de la poésie. Publié chez Allia, ce recueil de fragments de tailles diverses numérotés de 1 à 703, tous rédigés dans les derniers mois de sa vie, a pour sujet d’étude aussi bien les sciences exactes que les spéculations esthétiques et philosophiques. Et c’est un plaisir d’esthète que de picorer au hasard des pages ces miscellanées livrées en pâture, comme des croquis vif d’une pensée toujours en cours.

“301. Essais pour produire du salpêtre. L’eau ne devrait-elle pas absorber l’azote ?”

Dans son excellente préface, Olivier Schefer – à qui l’on doit aussi la traduction vive et acérée de ces aphorismes – précise qu’il s’agit plus de « notes, remarques, idées multiples qui assaillent l’esprit alerte de Novalis que de fragments au sens romantique du terme ». L’auteur aimait les nommer « semences littéraires ».

“504. Les poètes sont à la fois des isolants et des conducteurs du courant poétique.”

La figure du Christ comme symbole de l’unité du mythe, de la poésie et de la religion est centrale. L’histoire de l’humanité, l’âge d’or perdu et à venir (car un jour se fera le règne de la poésie !) sont également des thèmes récurrents. A la différence du roman français, Novalis aspire à créer une oeuvre poétique totale. Son projet à visée encyclopédique ne sera pas achevé mais dès les premières lignes, la poésie (donc l’art) apparaît comme principe ordonnateur et unificateur du monde. Et comme s’il apprivoisait depuis toujours sa fin précoce (à 29 ans, de la tuberculose), il écrit suite à la mort de son si jeune et véritable amour Sophie, son « initiatrice aux mystères de l’au-delà » : « Je veux mourir joyeux comme un jeune poète ». Vœux prophétique, ses lecteurs d’aujourd’hui attendris, amusés, captivés naviguent dans les mots de cet esprit curieux du monde, attentif à la beauté, inépuisable orpailleur de sens.

“703. L’amour a depuis toujours joué des romans ou l’art d’aimer a toujours été romantique.”