C’est en plasticien qu’Antoine Defoort, au sein de l’Amicale de production, conçoit la réjouissante performance « Elles vivent » sous la forme d’un exercice de pensée : quelle pourrait être une écologie de la parole dans un débat démocratique ?
Vrai-faux parti politique dans un futur proche, la surréaliste PCM (« Plateforme Contexte & Modalités ») se retrouve dans une course électorale dans laquelle elle tente, sans succès, de mettre en pratique son protocole d’écoute et de bienveillance au profit du dialogue politique. Son récit, on l’aura par l’intermédiaire d’un outil digne de SF, un dispositif de reconstitution mémorielle holographique, le « mnémoprojecteur ». Si les procédés technologiques envahissent la dramaturgie du spectacle, celui-ci se déploie au cœur d’une forêt qui a envahi le plateau, lieu de l’authenticité, de la mystique et de l’initiation. Mais aussi de la complexité enchevêtrée des problèmes, face auxquels le parti pris du juste milieu devient tentation immédiate.
Dans « Elles vivent », la plastique est d’abord celle des mots, à commencer par le titre, inspiré du titre originel du film culte de John Carpenter, « Invasion Los Angeles » : mais celles qui vivent, ce ne sont pas les extraterrestres mais les idées bien humaines, petites et grandes, obscures ou lumineuses. Des idées dont l’existence propre pourrait se comparer, signale Defoort, à celles de Pokémons conceptuels « logomorphes ». Et si elles vivent, ces idées, c’est d’abord qu’elles parlent, qu’elles disent quelque chose du monde, que ce sont des histoires qu’il convient de ménager, à commencer par cette histoire-ci, sous l’improbable égide d’Esprit de la Forêt. « Elles vivent » ne propose ni de trancher, ni de résoudre, préférant une exploration musicale et divertissante du monde des idées, qui conduira à la transformation de la PCM en école de magie : la magie n’est-elle pas, dixit Henry Miller, la révélation que l’on est libre ?