Sir Edward John Poynter, Helen, 1887. Royal Collection Trust /
© Her Majesty Queen Elizabeth II 2019.

C’est dans le temple — lui-même mythique — du British Museum que se dévoilent les dessous de la légende de Troie, sa chute et ses remous dans les trames fabuleuses et historiques de l’Occident qui s’entretissent. Sur le papier, l’exposition annonce beaucoup ; mais, comme c’est parfois le cas, la réalité faillit à sa promesse. L’amoncellement de trésors aux origines diverses n’est rehaussé d’aucun contenu pédagogique consistant. Ainsi, l’excitation quasi enfantine qui s’empare du visiteur au seuil de ce voyage antique se dévoile rapidement comme une illusion. L’avortement de ce rêve programmé se produit à la fois sur le plan du souvenir intime que beaucoup auront eu de cette rencontre personnelle avec les mythes entremêlés ; mais encore sur celui de la rigueur intellectuelle, alors que les artefacts s’enchaînent les uns après les autres sans beaucoup plus d’explication qu’une quatrième de couverture de Mickey magazine.

La déception est d’autant plus agaçante que le matériel entreposé procède, à l’évidence, d’un choix méticuleux et pertinent. La Grèce et Rome antiques ainsi que leurs récits sont remis en contexte grâce à de nombreuses poteries, statuettes, bijoux et outils. L’histoire même de la guerre de « L’Illiade » et de ses fables associées (« L’Odyssée », « L’Enéide ») s’appuie sur des objets d’art et du quotidien, tirant le fil du muthos vers celui de l’Histoire et de ses agents (en particulier, grâce à un coup de projecteur sur les archéologues et diverses figures académiques ayant œuvré à la découverte de Troie). Pourtant, la variété ne stimule aucune forme d’explication concernant les contextes historiques, culturels et artistiques concrets de ces objets et œuvres réunies. Jamais les sites de fouille ne sont réellement précisés et détaillés ; les techniques de poterie et de peinture détaillées. Rien n’est dit sur les récits eux-mêmes, leur fragmentation à travers temps et leur irrémédiable hétérogénéité, tant vis-à-vis de leur nature et de la valeur que leur apportaient leurs contemporains (sujets particulièrement bien traités par Florence Dupont, par exemple), que des différents « auteurs » eux-mêmes. Aux murs s’affichent de petites citations tirées de sources diverses, comme on affiche un magnet-souvenir sur une porte de frigo. L’assemblage se dissout dans une forme d’éclectisme mondain ; le monde méditerranéen devient une immense flaque floue qui confond insouciamment époques et lieux.

Alors qu’il semble évident que les curatrices s’attachent à proposer des fils d’exploration à la mode (relatif au genre, par exemple), leurs tentatives s’embourgeoisent par ce manque latent d’explications curieuses et approfondies qui s’arrangent d’une approche superficielle des objets. Le parcours, lui-même terriblement réduit, ne rayonne que dans la mesure où le spectateur sera déjà renseigné sur les différents sujets. Malheureusement, il garde ainsi à distance celles et ceux qui seront précisément les moins familiers avec cet héritage là : un résultat somme toute assez contre-productif pour une exposition de cette envergure (et à ce prix !).