Tempête sous un crâne

Le Poisson combattant

Nous sommes là au cœur d’une séparation, d’un arrachement. Tout commence par une phrase prononcée par la femme, ancien amour désormais contingent, et que l’on a renommée « Aquoibon ». « J’aimerais que tu partes demain. » Dès lors, tout s’enchaîne. D’abord expliquer à sa fille, tant bien que mal (« Sans m’accabler, sans t’accabler »), son départ. Expliquer aussi la disparition de son compagnon, le poisson combattant, retrouvé hors de son bocal au petit matin.

Commence ainsi le voyage, presque initiatique, de cet homme perdu par la vie et n’ayant pour guide que ce poisson combattant, relique d’un bonheur passé. Son voyage n’aura plus qu’un seul but, trouver le lieu idéal où il pourra, enfin, reposer. Et tout au long du chemin, vécu comme un retour à l’enfance, s’enchaîneront les rencontres, réelles et fictives à la fois.

Si Robert Bouvier est seul sur scène, c’est tout un monde qu’il fait naître autour de lui. Dans ce décor de boîte blanche, semblable à une toile vierge, l’affolement du personnage se traduit par la projection incessante de vidéos et de successions d’images, ou encore d’ombres ondulantes de femmes. Le décor, quant à lui simple et épuré – deux chaises, une grande, une petite, pour symboliser l’absence des deux êtres manquants –, vient contraster avec ce chaos intérieur. Le rythme n’en reste pas moins effréné et haletant. C’est un torrent de mots, de mirages, bouts de pensées ou bouts de vies qui défilent devant nous.

Malgré quelques longueurs, on se laisse tout de même porter par la poésie écorchée du texte de Melquiot, très justement interprété par Robert Bouvier. La création vidéo de Janice Siegrist, volontairement saturée, y fait intelligemment écho.