Telle une botaniste audacieuse, la Compagnie Le Sens des Mots effectue des croisements entre des auteurs de théâtre et des scientifiques pour voir ce qui peut germer entre eux. « Binôme », ça commence un peu comme un speed dating. 50 minutes pour se rencontrer et poser des questions, creuser et trouver les pépites qui serviront à l’écriture d’une pièce de 30 min. La restitution se fait en trois temps. Nous découvrons d’abord le clip de la rencontre, puis la mise en lecture du texte et enfin un dernier petit film où l’on peut voir la réception du chercheur à la lecture de la pièce qu’il a inspiré.

Ici, pas de rapport de hiérarchie entre les deux corps de métiers mais un savant jeu d’entrelacement. Le projet n’est pas d’apporter une solution de vulgarisation scientifique par le drame, ou de fournir du combustible à des écrivains en panne, mais bien de confronter deux façon de traiter le réel. L’autrice Clémence Weill s’inspire des paroles d’Isaline Fraboulet, spécialiste à l’INERIS des émissions de polluants dans l’air, comme on remplirait ses poumons d’un grand bol d’air frais et l’insuffle dans les voiles d’un texte éminemment personnel, pour qu’il prenne le large. La lecture présentée par trois acteurs est déjà très élaborée (musique, vidéo, espace…) et nous emmène dans un étrange voyage à travers les paysages de Finlande pour nous poser la question : peut-on encore parler d’amour quand la maison brûle et que la fumée nous étouffe ?

C’est également très beau de voir à la réaction d’Isaline Fraboulet , comme cette inspiration lui est retransmise à son tour et qu’elle va sans doute changer aussi quelque chose dans se manière d’appréhender le réel. Binôme est une très belle façon d’instituer un mouvement circulaire des pensées et de la parole entre la science et la poésie. C’est le même air que nous partageons, il est sage alors de trouver une respiration commune.