Oiseaux migrateurs

Birdie

« Birdie » (c) Pasqual Gorriz

Créé au festival Grec de Barcelone en 2016, « Birdie » est un travail extrêmement plastique et sans acteur, reposant sur une utilisation minutieuse de la vidéo et de la manipulation d’un décor miniature projeté sur écran. Dans ce projet très politique autour de la question « tarte à la crème » des migrants, la mise en scène tente d’aborder le problème par des ricochets visuels et métaphoriques : d’abord par un travail, lent et original, sur la notion du témoignage du réel, grâce à un travelling minutieux autour d’un homme confronté le matin aux faits divers de l’actualité économique et politique ; puis dans une session convaincante sur la sémiologie photographique (écho à « La Chambre claire » barthésienne), avec une analyse aussi ironique que subtile d’un instantané opposant le monde vert et serein de golfeurs de Melilla à l’irruption soudaine d’exilés escaladant le grillage, traqués par la police des frontières.

La seconde moitié du spectacle est un parallèle symbolique avec « Les Oiseaux » d’Hitchcock et la question de leur interprétation psychanalytique comme représentation de nos peurs : le montage se montre ici un peu plus maladroit, se perdant dans une longue séquence animalière en plastique supposée représenter les migrants, telle une arche de Noé postmoderne abîmée dans les enfers politique et écologique, et qui rend l’ensemble un peu lourd à digérer. Malgré cette réserve, les matériaux bruts de « Birdie » sont aussi efficaces que poétiques, lequel se déploie autour d’un storytelling au second degré où le propos métaphorique volontiers simpliste renvoie à la part ludique qui sommeille en chaque spectateur, pour mieux s’y faire heurter par la violence du réel. Car tout s’achève par où tout a commencé : dans l’œil de la caméra, complice voyeur de l’œil du spectateur qui n’en finit pas d’interroger sa culpabilité au fond de ses orbites.