Il y a des livres qui se conçoivent et se reçoivent comme des cadeaux. Celui, graphiquement très abouti, que consacre Emeraude Nicolas à sa demi-soeur Pascale Ogier, se loge dans la catégorie rare des hagiographies-baumes et nous offre, à nous lecteurs sous le charme, une douce plongée nostalgique dans les paillettes joueuses et joyeuses du début des années 80. Tout à la fois profondément intime et généreux, l’objet se feuillette recueilli, prêt à accueillir les hommages qui dessinent à rebours un portrait de cette icône d’un temps dramatiquement court mais particulièrement dense. Commencer par la fin, le collier de perles comme dernière relique de celle qui quitte brusquement le bal la veille de ses vingt-six ans, et remonter le temps comme on tente de retrouver, années après années, l’innocence de l’enfance. L’accumulation de photographies, de lettres parfois manuscrites, de cartes postales, de coupures de journaux, de déclarations d’amour post et ante mortem donne de la chair à cette étoile qui a filé si vite, et une stature de mythe à celle qui ne vieillira jamais.

En seulement deux longs métrages devenus iconiques (Rivette : « Le pont du Nord » et Rohmer : « Les nuits de la pleine lune »…), elle a conquis par son style si particulier ses aînés qui l’adoptent et sa génération qui s’en inspire. Faussement nonchalante, parfois lunaire et pourtant toujours au présent, Pascale fascine le monde et aime se perdre, sans volonté de transgression dans les excès des nuits et des fêtes, paradis transitoire de l’entre soi des soirées parisiennes. « Si je crois aux fantômes ? Absolument. Maintenant, absolument. » répondra-t-elle à Jacques Derrida. Ce livre parvient avec sensibilité à créer cette spectrale « présence absente », cette trace que l’on se plaît à rechercher, ce partage de souvenirs que l’on n’a pas vécus et qui nous atteignent pourtant, « Je ne veux pas qu’elle s’échappe du monde » dira Jim Jarmusch, qui restera l’amoureux d’alors. L’auteur sculpte une esquisse en mots et images de cette sœur perdue très jeune et tente de se réapproprier un bout d’histoire. La beauté plastique du livre, le plaisir d’y déambuler, d’y revenir et la faculté d’émotion que recèlent ces pages ourlées de jaune soleil, transforme la lecture en une expérience synesthésique, madeleine enivrante d’une vie folle qui s’experimente par procuration.