"Que demande le peuple ?"

Marie-José Malis : “Que demande le peuple ?”

Ce que demande le peuple, c’est que l’on décide de redevenir rousseauiste, que l’on se remette à croire que l’homme est bon, qu’il cherche une vie qui a du sens. Pour la majorité des gens, la vie qui a du sens est une vie juste, où son bonheur contribue au bonheur d’autrui. Il n’y a pas d’autre pari possible.

Que l’on cesse de se servir de sa pseudo-immaturité, de son pseudo-individualisme, qui est construit en vérité, et qui est retourné contre lui. C’est honteux et coupable.

Que l’on écoute les enfants, les gens, on comprendra alors qu’ils portent le souci d’autre chose et ne se sentent vivants que dans une joie qu’ils savent digne.

Ce qu’il demande donc, c’est qu’on cesse de l’insulter et de l’instrumentaliser.

Qu’on abandonne tout paternalisme, car il offense et mutile. L’aide sociale ? La sécurité ? La maison de retraite ? Les gens ne veulent pas ça. Elles ne sont nécessaires aujourd’hui que parce qu’on met les gens dans la situation d’être aidés, parce qu’on empêche par une réglementation insensée, par une économie perverse, qu’ils puissent organiser leur vie dans la décence et par eux-mêmes. Le peuple dit qu’on peut vivre dans la pauvreté si on le laisse faire, car elle génère aussi l’amitié et la joie des organisations vraies.

Qu’on croie à la capacité des gens à penser leur vie, à désirer d’autres choses et à les mettre en œuvre.

Que l’on réarme le désir. Non la peur.

Ce que devra faire le peuple, c’est exiger une politique qui reparte des gens. Dans l’architecture (le logement), dans le travail : refaire des expériences qui rendent la pensée et les actes aux gens. Dans l’éducation, dans l’art : fabriquer des sujets capables de nommer leur désir d’un monde juste et aidés, invités à le porter, ce désir, avec méthode, liberté imaginative et conséquence.

Aujourd’hui tout est fait pour que le peuple ne soit pas populaire. Parce qu’on a barré la voie du désir d’un autre monde, et installé la guerre des gens contre eux-mêmes. La politique a besoin d’être guérie par le désir. C’est un travail énorme contre la négativité et une décision. Rendre le désir légitime. Dire non au non.