À l’origine de la troisième voix

The Ventriloquists Convention

(c) Estelle Hanania

(c) Estelle Hanania

Dans cette dernière création, c’est la ventriloquie – discipline marginale s’il en est – qui tient le rôle central. En utilisant comme matériau de base une convention réunissant chaque année dans le Kentucky des ventriloques du monde entier, Gisèle Vienne monte un étonnant travail de fiction, où l’on assiste à la confrontation non seulement de marionnettistes entre eux, mais aussi entre les marionnettistes et leurs marionnettes.

Avec « The Ventriloquists Convention », Gisèle Vienne met encore une fois en avant sa réflexion philosophique et s’attaque à une question fondamentale : celle du mécanisme psychologique qui pousse un artiste – qu’il s’agisse d’un ventriloque, d’un marionnettiste, d’un acteur, d’un auteur ou d’un plasticien – à se mettre en représentation, à exposer son intimité à travers une œuvre, dans un questionnement permanent de sa condition d’homme et une recherche de réponses à soi.

Si, comme le pensaient Gordon Craig ou Heinrich von Kleist, l’acteur doit être une marionnette, on est effectivement en droit de se demander ce qui la manipule, et c’est ce qui est exploré avec énormément de finesse dans ce travail d’une grande précision rythmique, où l’on se retrouve aspiré dans un enchaînement de rires et de malaises nous laissant en permanence en questionnement sur nous-mêmes, sur nos besoins affectifs les plus profonds et sur la nécessité vitale pour nous de les assouvir dans nos rapports aux autres.

Et c’est là que réside toute la force de la dramaturgie développée en collaboration avec l’écrivain Dennis Cooper et l’équipe du Puppentheater Halle : en utilisant et en dévoilant complètement, dans un dispositif frontal, les artifices de la ventriloquie et de la manipulation, Gisèle Vienne déconstruit totalement l’illusion et nous force à nous interroger sur l’origine du mensonge artistique et sur le besoin qu’éprouve le spectateur de l’entendre. Un spectacle d’une très grande force, à ne pas rater.