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Goguenards. Désinvolte. S’il fallait résumer “Music-Hall”, la pièce écrite par Jean-Luc Lagarce en 1988, elle tiendrait sans doute dans ces deux adjectifs qui reviennent inlassablement dans le texte. Goguenards sont les spectateurs et les propriétaires des salles qui assistent au spectacle musical de cette « Fille », flanquée de deux boys –son mari et son amant. Désinvolte s’efforce de paraître coûte que coûte cette même artiste qui, de petite ville en village, d’année en année, voit fondre le public, et ses propres rêves de grandeur.

Ses deux comparses disparus, elle tient le show à bout de bras, tandis que se succèdent à ses côtés, leurs remplaçants. Pour mettre en scène cette pièce, tragique métaphore du métier d’acteur et plus largement de l’homme vieillissant, Véronique Ros de la Grange a choisi l’épure : un simple tabouret devant un rideau rouge pailleté, qui s’illumine, se fond dans l’ombre, ou se transforme en linceul, au fil de la pièce, allant jusqu’à absorber totalement l’artiste. Elle a surtout choisi un homme, bouleversant Jacques Michel, pour incarner la star déchue. Seul en scène, alors que le texte prévoit trois rôles, il porte magnifiquement ce mélange de fragilité et de ténacité qu’exprime la Fille. Minaudant sur son tabouret dans sa robe noire et ses talons aiguille, les rides creusées, la perruque courte, il dit l’ivresse de jouer, mais aussi les humiliations, et les efforts désespérés pour continuer à donner le change sur scène, alors que l’heure de gloire est passée depuis longtemps. Son interprétation est douce, nostalgique, mais aussi drôle, et elle touche au coeur. Au cours des interludes chantés en play-back, s’élève la voix de Joséphine Baker. « Ne me dis pas que tu m’adores. Embrasse-moi de temps en temps. Un mot d’ amour c’est incolore. Mais un baiser c’est éloquent. ». L’embrasser de temps en temps : c’est exactement ce qu’on aurait envie de faire avec ce personnage qui se dévoile ici sans honte. Avec juste ce qu’il faut d’amour et de tremblement.