« Five Days in March », ou quand la grande histoire rencontre la petite

Five Days in March

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Des stries blanches au sol, et rien d’autre sur le plateau que les comédiens, qui entrent tour à tour, seuls ou en groupe, pour livrer leur récit. « Five Days in March », ce sont les cinq jours que deux adolescents ont passés à faire l’amour dans un love hotel. Le rapport très frontal au public est plaisant, voire comique, les personnages zappant d’un type de discours à un autre. « C’est ça qu’on raconte dans “Five Days in March” », disent les actrices. La quasi-absence de décor n’est pas gênante dans la mesure où tout repose sur le lien entre la parole et le mouvement, entre le discours direct et le discours rapporté. Ainsi, les interprètes explorent des états de corps propres aux adolescents. Caricaturale, voire formelle, la gestuelle répétitive et proche de l’absurde vient contraster le débit extrêmement rapide, les tics de langage et le parler très quotidien des protagonistes.

Ces cinq jours, c’est d’abord une peinture de l’adolescence japonaise, du vide de cette existence. Mais pas que. Car à la petite histoire se mêle la grande, et recourir à la fiction devient le moyen de raconter le monde autrement. Transparaissent alors d’autres thématiques : les mouvements politiques au Japon, la guerre en Irak, la crise du pétrole… « Quand on rentrera chacun chez nous après ces cinq jours, peut-être que la guerre elle sera finie. » On réalise qu’évoquer la vie de ces personnages n’est finalement qu’un prétexte et permet de relater en mode souterrain une vision de l’actualité différente de celle que présentent les médias officiels.

Il reste cependant compliqué d’apprécier pleinement une pièce basée sur le rapport entre le corps et le langage lorsque la langue parlée est étrangère justement. On perd malheureusement une grande part de l’effet escompté dans la mesure où les allers-retours entre les surtitres et le plateau sont essentiels à la compréhension. On perçoit l’objectif de Toshiki Okada, qui considère le spectacle comme « un phénomène qui se produit entre la scène et le public », phénomène qu’il cherche à provoquer par cette alternance entre les différentes adresses, les rythmes, les corps. On sent effectivement que c’est ce qui est en puissance, prêt à opérer, mais ne s’accomplit pas totalement du fait de la barrière de la langue.