(c) Alex Font

Dans un hall d’entreprise à la neutralité anxiogène, des humanoïdes circulent, effectuent les gestes mécaniques d’une humanité constamment affairée, existentiellement débordée. Livreurs en casquettes bleues, employés en costumes, ils trimbalent des boites, montent et descendent sans cesse l’escalier jusqu’à s’y effondrer à répétition, ou manipuler des bébés sans bras : ils fonctionnent, avec le zèle désincarné des machines, jusqu’à ce que celles-ci s’enrayent. Sidération absolue devant ce ballet d’automates, qui envoûte tant par la virtuosité de ses danseurs que par la force de son tableau – décors unique évoquant Tati ou Second Life, douceur lénifiante des costumes tout en “creamy colors” – bleu layette et beige – panoplie dissimulatrice d’une aliénation toujours plus grande – celle des hommes par le travail, la consommation, les machines. Pas d’histoire, plutôt le flash d’un monde dé-passionné, et des sentiments contradictoires qui eux naissent bien de cette peinture aseptisée : inquiétude devant cette mécanisation des corps, mais aussi délectation devant leur précision. Cette ambiguïté fascinante est aussi celle de la bande son, qui agglomère des nappes, en provenance de l’électronique et du classique. Couverte un temps par un voile gris, la scène rappelle un écran, achevant de nimber les danseurs d’une aura d’irréalité: vision dystopie sublime, oeuvre cyborg, “Pasionaria” évoque une machine à laquelle on aurait greffé des parties vivantes.