Le dresseur des très indomptés « personnages de la pensée » a toujours rêvé le théâtre comme une poudrière d’apparitions. Mais voilà que le temps a jeté sur son ubuesque gueuloir un peu de poussière et surtout beaucoup de grammaire. Ainsi, son langage inouï nous parvient désormais comme un parler saugrenu que nous ne sous sommes plus tellement pressé.e.s de rééprouver mais plutôt satisfait.e.s de retrouver. La révolution par le langage qu’a surréalistement entonné Novarina a pris effectivement le risque de ces lendemains plus culturels, de ces spectacles plus assis et plus rembobinés où la connivence et la reconnaissance ont dissipé le foudroiement des sens et les hasards de l’expérience. « Les Personnages de la pensée », spectacle rétif à son titre car cette fois très discret en métathéâtre, ne masque d’ailleurs pas ces lois de l’enlisement, trouvant même une mélancolie plus juste que celle un brin discursive et mortifère qui pointait dans « L’Animal imaginaire » (2019). L’énergique sol blanc s’est ici tendu de gris et les peintures de l’auteur, répétées parfois en plusieurs formats comme si elles n’étaient plus des jets vivaces mais les signes d’un Novarina à l’heure de sa reproductibilité esthétique, finissent souvent par s’effacer. Deux réactions dialectiques persistent alors : accuser l’excessive répétition du poète – symptôme dit-on des plus grand.e.s artistes mais offense indéniable au muscle lassé de notre imaginaire – et honorer en même temps l’hétérotopie novarinienne qui perd la politique de la surprise mais gagne l’énergie de l’insistance et la beauté du rendez-vous.
Antépénultième ode à l’anus
Les Personnages de la pensée