© Stephanie Berger

La danse de Trisha Brown surprend toujours par la force de son évidence poétique qui se dévoile dans un appareil simple et efficace, marqué par la douceur du balancement naturel des corps selon différents points d’appui et la continuité fluide du geste. Dans cette création pour le Théâtre de Chaillot datée de 2011, la chorégraphe collabore avec son mari Burt Barr, artiste visuel qui s’amuse à composer ses scénographies avec une grande économie de moyens. Ici, un champ de ventilateurs, forêt de vent minimaliste, structure le côté cour d’où émergent les danseurs. L’obsession de la géométrie des corps chez Brown s’intéresse en particulier aux nœuds chorégraphiques que forment les interprètes entre eux, à la fois comme figures projetées, décomposées, du mouvement et comme blocs sculpturaux de l’autre. La chair se meut, force vectorielle ; elle est aussi une masse compacte qui se fige et sublime l’image du geste comme un marbre sous le marteau du Bernin. La musique d’Alvin Curran, compositeur de la génération suivant celle de John Cage, propose une partition aérienne et perlée, dont les arabesques au piano rappellent par endroits quelques lignes debussiennes. Le vent s’ajoute à la partition des cordes, devenant instrument musical, décor et personnage à part entière. Lui aussi est à la fois une matière en mouvement ; il est une gangue de son brute, légère et pourtant compacte, qui enveloppe d’un son blanc l’ensemble de la scène.