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En ouverture de la saison hors-les-murs du Théâtre de la Ville, le flamenquiste Israel Galván propose avec « 8 Solos 8 » une chorégraphie déambulatoire saisissante dans la chapelle de l’hôpital de la Pitié-Salpétrière. Comme dans la grandiose « La Fiesta » dans la Cour d’honneur du Palais des Papes en 2018 – pourtant située à l’extrême opposé du spectre formel -, Galván surgit sans crier gare dans l’espace scénique tandis que les spectateurs sont encore à se disposer tout autour de la nef. Dans cette forme solitaire et dépouillée à l’extrême, ponctuellement accompagné à l’orgue par Benjamin Alard et ses sonates de Scarlatti dans lesquelles il voit un parallèle rythmique avec la flamenco, le bailaor déploie une dialectique de l’intime et du sacré. A la façon d’un cérémoniant habité par les forces mystiques de ce lieu de représentation si singulier, il invite le public, sans paroles, à une procession improvisée sur la pierre pluricentenaire. Ciselant chaque geste de pitos ou zapateados avec une précision millimétrée, il parvient à créer d’un matériau minimaliste et de son seul corps vibratoire une tension dramaturgique troublante. C’est que s’engage bientôt un dialogue entre l’officiant et la chapelle, qui tient autant de la narration sonore que de la traversée visuelle : Galván exploite la résonance de chaque élément – pierre, bois, sable –, amplifiée, par endroits, de microphones. Il confirme, avec une élégante poésie, son rôle de passeur entre l’indispensable tradition de son art et l’expérimentation d’avant-garde. “Le flamenco ne résout pas la guerre et n’empêchera pas la fin du monde, mais il peut aider à garder la tête haute”, disait-il.