Un préambule d’humour absurde et extrêmement drôle pose le caractère brut du projet : parler de masturbation, oui, mais sans exploration didactique du thème, à travers des fragments de témoignages qui n’ont rien à voir avec un quelconque échantillon représentatif. Par un jeu de restitution au tic de langage et au souffle près, tout en entrelaçant les paroles, Alenka Chenuz et Amélie Vidon font entendre la multiplicité des expériences et des degrés de gêne à l’égard de ce sujet dont il faut bien convenir qu’il reste encore, partiellement, tabou. Si sont évoqués le Kit Kat club de Berlin, les cabines de cinéma X, les textes érotiques de Maupassant, les théories sur l’empowerment féministe et même les forces telluriques du deuxième chakra, presque personne ne mentionne magazines et vidéos porno. Malgré cette curieuse absence, les témoignages restent très attendus, dans la forme et le fond, et n’interrogent pas frontalement le rapport à la honte, qui n’est abordé que par les marges. Jamais ils ne considèrent l’internalisation de l’échec sexuel qui, bien plus pernicieuse que les résidus de morale religieuse, constitue une dissonance cognitive d’autant plus âpre que les mœurs se libèrent et que les apps de rencontre promettent du fast sex sur demande. Si le spectacle ne pousse pas vraiment les frontières intérieures quant à notre rapport intime ou social à la masturbation, restent le talent et l’énergie scénique des deux comédiennes qui, alliés à une (hilarante) veine comique du léger décalage, ne manqueront pas d’emporter l’adhésion.