© Christophe Raynaud de Lage

Changer du tout au tout, mais rester soi-même : c’est la première réussite d’« EXIT ABOVE. After the tempest », dans lequel le langage d’Anne Teresa de Keersmaeker prend une tournure excellemment pop — et on se réjouit de retrouver tant de motifs anciens refondus dans un joyeux moule où tout apparent bordel et mouvements de foule sous-tendent une maîtrise irréprochable des corps.

Ils sont treize au plateau, jeunes et parfois angéliques, et le dialogue intergénérationnel avec ATDK est – seconde réjouissance – d’une intelligence qui parcourt l’ensemble des chorégraphies : des styles de danse plus urbains font en effet irruption sur la scène et, se mêlant avec les mouvements iconiques, classiques mêmes de la chorégraphe, ils créent des entrelacs visuels complexes mais jamais abstrus, d’autant qu’ils sont soutenus par la création lumière suggestive mais pas trop illustrative de Max Adams. Il s’agit alors d’un hymne, certes simple mais pas moins efficace, à la jeunesse, qui a pour particularité de ne jamais s’emmurer dans une quelconque catégorie (chorégraphique, politique) : la danse encourage toutes les mutations et les hybridations, elle dissout les barrières, et la joie que les danseurs génèrent et partagent a l’air de provenir de l’immense liberté de circulation (des corps, des identités, des énergies) dont ils bénéficient. Comme le spectacle témoigne en même temps d’une écriture au cordeau, comment ne pas louer cette déflagration savamment organisée ? 

Certes, « EXIT ABOVE » pâtit un peu de plusieurs répétitions, pas tant des motifs (ce serait un contresens vis-à-vis du travail d’Anne Teresa de Keersmaeker) que de la dramaturgie elle-même, qui fonctionne sur une dichotomie temps fort/temps calme s’essoufflant à mesure que le spectacle avance, quand bien même les chants de Meskerem Mees continuent tout du long à nous envoûter. Même chose pour l’introduction benjaminienne, dispensable pas tant par rapport à la dramaturgie cette fois-ci que parce qu’elle est resservie à toutes les sauces dans la création contemporaine : elle abîme un peu la crudité des chorégraphies qui s’ensuivent. Mais c’est bien peu vu le succès de la création qui, si elle n’est pas un choc, magnifie finement le dialogue entre générations qui s’enrichissent esthétiquement et politiquement les unes au contact des autres.