© Dorothée Thébert Filliger

Ce qui semble évident mais pas si commun c’est le jusqu’au-boutisme qui caractérise les créations de Marielle Pinsard. Quelles que soient les réactions épidermiques que ne manque pas de générer cet ovni suisse des plateaux, force est de constater que ses histoires dérangent, appuient lourdement là où notre société rend du pus. L’effet repoussoir de ses personnages caricaturaux accentue l’absurdité vertigineuse du propos, l’idiotie est ici mère et reine de tous les vices contemporains. Car nous allons passer la soirée chez Yvonne et son nouvel amant Jean II du Congo (l’ancien, Jean-Michel, gilet jaune, est dans le placard du salon et se manifeste, saucisses en bouche, de temps à autre) :  ils ont équipé leur appartement de quinquas bobos-écolos d’un compteur de consommation d’énergie en temps réel, véritable grand ordonnateur de l’intrigue. On invite des amis mais les soirées, ça consomme grave, alors on tente tout pour limiter les dégâts, le temps en heures creuses est compté, le pack énergie intraitable. Mené avec panache dans des évolutions parfois chorégraphiées, la soirée responsable vire au cauchemar : atteinte évidement du syndrome de la Tourette, Bea met les pieds dans le plat tandis que son compagnon (devenu sa compagne) évoque ses transitions alternées et que Cyril, oreillette vissée et smartphone en alerte, quête indéfiniment du réseau comme un chercheur d’or tamis aux aguets. On l’aura compris, l’auteure et les comédiens ne font pas dans la dentelle, ça grince et ça couine, ça agace aux entournures et ne laisse personne indifférent. Le vaudeville autofictif de Pinsard fait parfois penser – dans sa dénonciation de la bien-pensance – à Vitrac ou Vian ; il a le mérite – eu égard à certaines productions précédentes de la compagnie – de coller à son sujet sans sombrer avec lui.