Niangouna : le poète naufragé

Nkenguegi

© Samuel Rubio

© Samuel Rubio

Inspirée du « Radeau de la Méduse », la célèbre toile de Géricault, « Nkenguegi », la nouvelle pièce de Dieudonné Niangouna, suit le mouvement cahotant et déchaîné d’une mer périlleuse. Son foisonnement de mots, de langages et de gestes, d’idées et d’histoires épouse les flux et reflux d’une écriture textuelle et scénique qui tangue, claque, chavire pour délivrer un propos explosif et remuant. Au centre, une pensée jamais figée qui questionne l’identité et la migration, la pauvreté devenue un marché dans nos sociétés mondialisées, les existences fragiles et incertaines d’individus pris entre la vie et la mort dans les bouleversements du monde. Il y est aussi beaucoup question d’amour, d’ailleurs, et de l’autre. Trois « A » qui résument bien le discours urgent, nécessaire, cru, imagé de l’artiste africain pleinement inscrit dans la réalité et l’actualité mais empreint d’une forte dimension poétique.

À l’image d’un naufragé qui échoue sur un modique plancher de bois au centre du plateau où règne une cacophonie exubérante et furieuse, l’homme est à la fois seul et univers chez Niangouna. Il fait preuve d’une infatigable combativité. Il invite à braver les mers, à repousser les murs, à ne pas craindre la mort, à échapper aux systèmes clos, verrouillés, il se fait entendre en surpassant le bruit, enfin, il tente de gagner sa liberté.

Parce que le voyage impose l’errance, on avance et se perd parfois dans une proposition aussi vaste que l’océan. On vogue sans fin vers l’inconnu. Mais l’enjeu est de cette taille. Avec une formidable énergie du dire, les interprètes sont dotés d’une incroyable capacité à donner corps, souffle et vie au spectacle. Ils expriment toute la violence contemporaine qui met à mal l’altérite et distillent dans une fête furieuse comme un parfum d’apocalypse.