Disons-le bien haut : on en a ras le bol des spectacles qui font souffrir leur public, de cette certaine tendance de la danse contemporaine à puiser dans le laid, dans le grotesque, dans le ridicule pour mettre mal à l’aise le spectateur.
On s’est indigné récemment du travail de Mickaël Phelippeau. Nous ne connaissions alors pas encore notre douleur puisque, bienheureux que nous étions, on avait échappé jusque-là à « Soft Virtuosity, Still Humid, on the Edge ». Le biniou de Phelippeau a fait place à des nappes de musique électronique discordante, larsens inclus, tandis que des danseurs arpentent la scène, tantôt en claudiquant, tantôt en boitant, tantôt en traînant la patte.
Mais le pire, c’est encore l’utilisation de la vidéo, cette vidéo qui nous sort par les yeux tellement elle est vue et revue à longueur de spectacles depuis quelques années. Cette vidéo qui filme en gros plan des visages grimaçants, figés dans des rictus de douleur. Bien sûr, on n’est pas obligé de représenter le beau, et le laid a le droit de cité dans les arts visuels. Non, ce qui gêne, c’est cette exhibition de la souffrance d’autrui jouée au ralenti, dans un tableau très « Radeau de La Méduse » qui n’en finit pas.
Alors oui, le spectateur se sent bien seul devant cette pièce chorégraphique tirant vers la performance aux confins du grotesque, compulsant sa montre discrètement pour vérifier qu’elle ne s’est pas arrêtée. On comprend alors le pourquoi de la musique insupportable : c’est pour l’empêcher, ce pauvre spectateur, de piquer du nez tranquillement en attendant que la blague se termine.