(c) Simon Gosselin

« La tristesse durera toujours » aurait dit Van Gogh en 1890. Ou Tchekhov, en 1899, avec l’écriture d’Oncle Vania. Autour de la table dressée par la désormais incontournable metteuse en scène Julie Deliquet sont convoquées une série d’âmes perdues typiquement tchekhoviennes. Un cortège de vies ratées, de désirs fulgurants, d’espoirs manqués que l’on observe de façon bi-frontale. Et, dès les premières minutes, le spectateur de ce bouleversant Vania sent déjà que tout sera perdu. La timide Sonia – superbement interprétée par Anna Cervinka – ne sera pas aimée du fringuant médecin de campagne (Stéphane Varupenne). Qui lui-même courtise fougueusement Hélèna (majestueuse Florence Viala) mariée à un vieil intellectuel éructant (Hervé Pierre). Et les malheureux Vania (Laurent Stocker) et Sonia resteront in fine seuls dans la grande maison, peuplée de fantômes de carrières brisées et d’amour avortés. C’est beau, déchirant, d’une frappante modernité. Julie Deliquet signe en effet le portrait d’une génération sacrifiée, oeuvrant vainement pour une vie meilleure, aux prises avec le marasme de l’époque. Et les interprètes de la Comédie Française sont au sommet de leur art pour entraîner leur auditoire dans cette danse macabre.