© Frederic Desmesure

Avec « Qui a cru Kenneth Arnold ? », le collectif Os’O électrise le spectateur rêveur dans une conférence dont l’intérêt s’étiole pourtant à mesure que la théâtralisation frise la moralisation.

Voilà une conférence coprésentée par un comédien et un geek, tous deux de pacotille dans leur domaine, qui s’appliquent tant bien que mal à légitimer les OVNIs et l’existence des extraterrestres : l’arrivée desdits aliens va évidemment les interrompre. Les ficelles sont un peu visibles, mais la bascule vers le théâtre est efficace : le comédien-présentateur, qui rêve d’attention permanente, se retrouve au centre d’une bascule scientifique dont il est le sujet malgré lui, tandis que le geek ufologue est rejoint par un compère, dont la présence en tant que photographe dans la salle présumait de la théâtralisation à venir… Et d’un coup « Qui a cru Kenneth Arnold ? » est un réjouissant spectacle de science-fiction, qui rappelle un peu la série “OVNI(s)” : ça ne bouleverse pas le genre, mais Os’O utilise avec brio le temps du kairos théâtral c’est pour maintenant, ils sont parmi nous, tout sera différent, etc. -, pour justifier l’intérêt d’un déroulé de plus en plus spectaculaire jouant intelligemment avec les codes du burlesque.

Mais tout se complique quand le spectacle frise la leçon de morale : spoil nécessaire, les geeks sont en fait de simples complotistes qui louent la venue des extraterrestres, un motif un peu rabâché dans l’industrie culturelle… Mais surtout, la seule voix étrangère que captent les deux scientifiques via leur antenne de fortune est celle d’un routier : c’est comique la première fois, on se dit que c’est un problème radio (et les extraterrestres arrivent vraiment) ou pas (et les scientifiques ont tout fantasmé). À vrai dire, la résolution reste en suspens : tous deux partent accueillir les aliens en costumes et gestuelles de secte cheap, pourquoi pas. Néanmoins le routier, qui entre temps a dû écrire un mémoire en sciences de l’environnement, revient dans un épilogue méta pour expliquer qu’on ferait mieux de regarder ce qu’il y a autour de nous plutôt que de perdre notre temps les yeux rivés au ciel. Ouste les astronomes en herbe, l’espace c’est pour les lâches et les geeks (d’ailleurs c’est pareil) : don’t look up ! Et ouste la dramaturgie elle-même, qui, on l’avait cru, commençait à réenchanter l’imaginaire du spatial : le spectacle reposait à juste titre sur l’infinie complexité de son sujet, mais la conférence rêveuse termine assombrie par cet inopportun coup d’estoc moral.