© Christophe Raynaud de Lage

Il n’est pas simple de préserver un espace magique, qui suppose un partage des ombres et du visible hostile à l’approximatif, dans l’économie du festival OFF. Le « Dracula », ou devrait-on dire le « Lucy » d’Yngvild Aspeli n’y perd pourtant rien de sa technicité comparse du trouble. Glissements bluffants entre le vivant et la marionnette, démembrements et dédoublements des corps : voilà le tissu de ce rêve gothico-symboliste, qui évapore toute fascination pour le célèbre encapé du manoir. De fait, Dracula n’est plus ici qu’un masque de mauvais train fantôme laissant Lucy Westenra, corsetée chez Bram Stoker dans une robe blanche d’innocence, devenir l’inconscient régisseur de la représentation. Le quasi mutisme du spectacle permet à nos régressifs cauchemars et contes intérieurs d’écrire le contre-récit d’émancipation féministe, qu’Yngvild Aspeli rend judicieusement suggestif. Hormis quelques visions redondantes, qui n’épaississent pas davantage son antre de tulles noirs, ce « Dracula Lucy’s dream » fascine autant par le faux sang inédit qu’il fait gicler que par son sens général du théâtre onirique. Genre qui doit viser une force technique et visuelle éteignant parfois l’irrationnalité de l’expérience – on l’avait par exemple éprouvé avec le « Sheep Song » de FC Bergman – et qui doit nécessairement composer avec la mémoire horrifique de l’assemblée, au risque du kitsch et du cliché. Aucun de ces écueils nous l’aurons compris ici : rien que du sang référencé mais neuf, et même quelques gouttes de vampire, tel étant moulu qui croyait mordre.