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La magie n’est jamais aussi contemporaine que lorsqu’elle devient un art partagé et non un sort asséné, lorsqu’elle s’affiche comme un artisanat hérité et non comme un pouvoir décrété. Après s’être mis en rapport dans son précédent spectacle avec les illustres mentalistes de l’histoire moderne, Viktor Vincent témoigne cette fois avec toujours plus d’humilité sa fascination pour les expériences fantastiques et pour celles et ceux qui y ont contribué (Maupassant, Houdin, Méliès…). Le fil narratif de « Fantastik » est sans doute un peu plus lâche que celui de « Mental Circus » : le fantastique est convoqué avant tout pour son pittoresque brumeux et pour son attirail de curiosités (mains momifiées qui s’agitent, objets inanimés qui dégainent leurs âmes…), devenant moins un moteur dramaturgique qu’un principe atmosphérique dans lequel les différentes expériences mentalistiques sont plus ou moins nimbées. Le spectacle demeure pour autant toujours aussi captivant car la présence de Viktor Vincent – qui a l’audace de s’aventurer dans de longs monologues suggestifs sans l’appui d’effets magiques illustratifs – a encore affuté son équilibre entre élégance et décontraction, entre magnétisme et intimisme. Basées sur d’inventives mécaniques de différation, sur toujours plus de fausses pistes et de révélations inespérées dans lesquelles on plonge toujours tête embuée, ses expériences pour leur part se sont complètement débarrassé du faux suspense et de la kitsch autorité qui gonflent habituellement les prouesses de magie mentale. Viktor Vincent travaille ainsi un mentalisme à notre portée et le gros œil qui orne le fond de scène est moins celui de la Providence qu’un reflet du nôtre, à la fois écarquillé et rendu à sa plus belle activité : celle d’être un défieur d’apparences.