© Pauline Roussille

Mutation réaliste de « Clôture de l’amour », en prise avec la problématisation actuelle des rapports conjugaux, « Finlandia » repousse définitivement l’esthétique satisfaite de Pascal Rambert dans sa propre ironie : pour Bergson « la pensée demeure incommensurable avec le langage », chez Rambert le langage est incommensurable et pourtant nulle pensée n’y surgit. Ce n’est pas par manque de discours : la langue rambertienne est même sur-discursive, ses personnages-acteur.rice.s violant sans cesse la pénombre de leur intimité pour maçonner verbalement la logique illusoire et provisoire de leur être. Mais c’est par défaut de vérité et de nécessité : tout dans cette écriture, de la petite insulte à l’idée massive, paraît infondé intellectuellement, volontariste, glissant, recyclé. La réversibilité constante des positions respectives de Victoria et Joseph reflète avec justesse l’effort de conceptualisation, très chaotique, qui anime toute dispute de couple ; les invectives, les reproches, les argumentaires politisés des deux protagonistes finissent toujours dos à dos, s’érigent et s’éboulent d’une réplique à l’autre. Sauf que nous saisissons avec difficulté les motivations psychiques de ces revirements : la pensée absente de Rambert se traduit aussi par l’intériorité trop informe — tout au plus théorique – de ses personnages. Aussi le manège des contradictions apparaît-il moins comme une dialectique bouillonnante que comme le signe d’une inconséquence perpétuelle des idées. Et malgré l’élan athlétique de Victoria Quesnel et Joseph Drouet, irréprochables dans cette forme irrattrapable, « Finlandia » se drape dans l’insignifiance, dans une poésie modeuse (trémoussements sur pop finlandaise à l’appui) et un souffre de surface. Les nuits chics en hôtel zen ne sont peut-être pas de bons gueuloirs d’écriture.