Un auteur de théâtre réalise dans un supermarché qu’il n’a pas sa carte de fidélité sur lui. La caissière appelle le vigile qui le menace, mais l’auteur parvient à s’enfuir. La police est immédiatement alertée, s’engage alors une traque contre le fugitif qui devient bien malgré lui une menace pour la société. Critique absurde, libre, transgressive, délirante et joyeuse de notre époque, le récit de Fabcaro, entre road-movie et fait-divers, est repris sur scène par les franco-belges du Collectif Mensuel à Laval, dans le cadre du festival du Chainon manquant. Une proposition hilarante, entre roman-photo, musique concrète et parodie loufoque, un détournement situationniste par le rire. Mais pourquoi diable ne sont-ils pas programmés dans toutes les scènes nationales, dans les médiathèques et les EHPAD, au baccalauréat même ? Rencontre avec Sandrine Bergot, Baptiste Isaia et Sylvain Daï autour d’un chapiteau au bord de la Mayenne.
D’où vous est venue l’idée d’adapter cette BD de Fabcaro ?
Notre collectif est composé de musiciens, des vidéastes, des comédiens, et d’un auteur qui s’appelle Nicolas Ancion, comme dans notre adaptation, il vit à Montpellier, il est par ailleurs critique de BD, il a lu « Zaï, Zaï, Zaï, Zaï » qui venait de sortir, il nous l’a tout de suite mis entre les mains en disant : c’est pour nous… Il n’y a pas eu d’adaptation, mais des rajouts. La première lecture durait 35 minutes, et on est sur un spectacle d’une heure dix. D’ailleurs, on ne termine pas comme la BD. On n’était pas super fan de la fin. Ça finit pas du tout avec la fin du monde. C’est nous ça ! En fait, tout l’aspect politique, c’est plutôt nous.
Comment l’auteur a-t-il accepté ces changements ?
Oui, il est plutôt cool, il est même trop cool. Il a filé les droits à tout le monde ! C’est pour ça qu’à un moment, on a interrompu le travail. Et c’est le directeur du théâtre de Poche à Bruxelles qui nous a appelés en disant : “Moi, je suis un fan de Fabcaro. Si vous vous le montez, je vous coproduis et je vous programme trois semaines à Bruxelles.”
Et comment se passe le travail au sein du collectif ?
On est une dizaine. Tout le monde est dans tous les projets. Trois actrices et acteurs, une scénographe, un créateur lumière, une vidéaste, un bruiteur, deux musiciens. Pour le prochain projet, on a envie d’ouvrir le plateau. Il y aura au moins cinq, six personnes en plus au plateau.
Le plus grand plaisir, c’est d’assister en live à votre travail minutieux, choral, très précis. Cela m’a frappé, au milieu de la méticulosité de tous les objets manipulés pour produire des sons, vous vous amusez comme des enfants.
Oui, on aime la précision. On travaille beaucoup. On a un amour du travail bien fait. Notre spécificité, c’est qu’on est un collectif sans metteur en scène. On est tous porteurs du projet, on sait rester dans l’ombre pour faire exister quelque chose d’autre. On se compare souvent à des marionnettes.
D’où vient selon vous le plaisir du spectateur ?
Il y a l’humour de Fabcaro et le nôtre, décalé, insolent, avec une dimension politique.
Oui, il y a un côté anar…. C’est guignol avec des saltimbanques qui se moquent du pouvoir…
… et de l’absurdité du monde. On est tenu par un propos, c’est notre fil rouge. On ne fait pas des blagues pour des blagues.
C’est important de venir jouer au Chainon Manquant ?
On était venu avec un spectacle, “Blockbuster” il y a cinq ou six ans au moins. Le spectacle a fait une superbe tournée de 80 dates en France. Le Chaînon manquant s’est occupé de tout, on rêve de la même chose…