© Gregory Batardon

Le Ballet Junior présente un programme ambitieux des fruits de la rencontre entre les étudiants de cette formation professionnelle et les trois chorégraphes Rachid Ouramdane, Barak Marshall et Hofesh Shechter. L’articulation des trois extraits de pièces nouvellement intégrées aux répertoire de la compagnie est audacieuse dans la mesure où elle nous confronte à des genres chorégraphiques très différents.

Avec « Tenir le temps », Ouramdane affirme sa maîtrise du travail de groupe et son grand sens de la composition en kaléidoscope où solo, duo et chorégraphies chorales évoluent en simultané. Seize danseurs sur scène s’élancent dans une succession de figures ou leitmotivs qui s’interrompent, se transforment et reviennent au fil de la pièce. Chaque danseur poursuit sa propre trajectoire : par moments, il se confond au groupe, enjoint à tenir le rythme, puis à d’autres, il décroche et reprend sa course propre, comme pour résister au vertige de sa disparition dans l’ensemble. Les corps sont à la fois unis et déliés, « enchaînés » dans l’effort commun tout autant qu’ils sont électrons libres. La vitesse et la tourmente s’empare de nous, nous suspend aux motifs musicaux infiniment répétés et nous laisse, un peu plus loin en chemin, abasourdis par la force de vie qui vient de nous exploser au visage.

Ensuite, l’invitation de Marshall avec son « 1972 » présente une chorégraphie beaucoup plus théâtralisée. Une succession de tableaux réalistes mettent en scène les rapports de forces et de désirs entre hommes et femmes dans la société israélienne. L’approche chorégraphique est une rencontre entre rituels folkloriques et pratiques contemporaines. D’un tableau à l’autre, les gestuelles sont radicalisées puis retrouvent par la suite toute la sensualité propre à la culture mizrahi (juive-moyen-orientale). L’énergie globale de la proposition est entraînante mais nous laisse dans une certaine perplexité face à une forme parfois désuète.

Enfin, le fascinant « Political Mother » d’Hofesh Shechter nous ravit et nous renverse de la première à la dernière seconde. Ses corps sont éminemment humains, debout, résistants, convoquant le ciel les bras dressés, et tout à la fois en suspension, marchant sans jamais que leur poids ne semble peser ; une allure paradoxale, entre tension extrême et absolue fluidité. Cette pièce s’apparente à une transe tribale en exil sur une scène de concert de rock. Initialement performée en live par 24 musiciens, la bande sonore agit sur nous avec l’impétuosité des élans les plus passionnels. Les jeunes danseurs y sont comme des poissons dans l’eau, envoûtés, libres et formidablement synchrone dans l’énergie fougueuse qu’ils nous communiquent résolument.