La vie après la vie

C'est la vie

© Christophe Raynaud de Lage

Dans cette vallée de larmes qu’est le monde, que chercher d’autre que l’apaisement d’avant la chute ? Et quand la chute c’est la perte d’un enfant, on fait comment ? Fidèle à son traitement semi-documentaire des passions et de la détresse humaine, Mohamed El Khatib s’est lancé avec « C’est la vie » dans un projet épineux. Car faire interpréter le réel par ceux qui l’ont vécu, c’est prendre le risque de sombrer dans le tire-larmes, d’abuser d’effets émotionnels bon marché. Mais son intelligence est d’avoir choisi des comédiens (Daniel KenigsbergFanny Catel) pour jouer leur propre rôle, interrogeant en passant l’essence même du théâtre. Le drame est à la fois superposé et opposé au drame. Jusque dans sa forme (au travers notamment d’un livret plein d’humour distribué à chacun), le spectacle met en garde contre lui-même, créant une sorte de dimension post-dramatique dans toutes les acceptions du terme : comment continuer à vivre après la tragédie qu’est la mort d’un enfant, et que peut le théâtre dans cette éprouvante poursuite ? El Khatib joue – d’aucuns diront trop – avec la relativité du réel pour créer un objet théâtral simulacre dont on a du mal à départir ce qui est vrai de ce qui ne l’est pas. Mais peu nous importe : « C’est la vie » se tient sur le fil du rasoir, de ce rasoir qui attaque les nerfs encore à vif du côtoiement de la mort, mais il combat le pathos avec des blagues juives, et il lance dans la gueule de la douleur la vertu consolatrice de la parole. Et c’est bouleversant.